Mis à jour le 8 juillet 2024 par MeriemDraman
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Il y a quelques semaines, par la magie (et la grâce) d’internet, une enseignante de mathématiques m’envoie un mail, dans lequel elle me dit avoir découvert récemment mon site, et le trouve «passionnant et utile». Les thématiques de l’orientation l’intéressent tout partculièrement, et elle aimerait aider les élèves qui ont besoin d’elle bénévolement. J’ai pris contact avec Danielle, nous avons échangé longuement, le courant est super bien passé et j’ai eu l’idée de lui poser quelques questions au sujet de l’enseignement de la spécialité des mathématiques, qui fait pas mal parler de lui ces dernières semaines. En effet, vous avez certainement lu dans la presse que le Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale, envisage de remettre les mathématiques dans le tronc commun. « Il faudra probablement ajouter des mathématiques dans le tronc commun de la classe de Première et Terminale, pour que l’ensemble des élèves aient davantage de culture mathématique.
Découvrez cette interview passionnante avec Danielle, passionnante car elle est habitée par sa matière et vous verrez, même si elle partage l’avis général concernant l’affaiblissement avéré des mathématiques aujourd’hui au lycée, elle reste plutôt positive et souhaite que « nous ne paniquions pas et laissions les jeunes reprendre leur souffle, reprendre confiance, éloigner les démons. »
Peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Quel est ton parcours professionnel et depuis combien de temps enseignes-tu ?
Je m appelle Danielle, j’ai 62 ans et je suis professeure dans un lycée privé de la région parisienne depuis presque 30 ans.
Une seule matière à mon actif « Les Mathématiques » !
Un seul établissement dans toute ma carrière ! C’est que je m’y sens bien !
Pourtant mon parcours professionnel n’a pas été linéaire puisque à l’issue de mon double cursus universitaire mathématiques et informatique, j’ai d’abord débuté une carrière professionnelle dans l’industrie avant de réaliser ma passion de toujours : « Enseigner ! ».
Mais pourquoi l’enseignement Danielle ?
Ah Meriem ! Comment t’expliquer, ce besoin de transmettre chevillé au corps et qui s’exprime à la moindre occasion.
D’ailleurs je ne t’étonnerai pas si je te dis que dans ma première fonction d’informaticienne je me suis retrouvée très vite, responsable de la formation des jeunes recrues et que je formais volontiers le personnel aux nouvelles technologies utilisées par notre service.
On ne se refait pas !
Mais revenons aux mathématiques ! On entend de plus en plus parler dans les médias que « les maths n’ont plus la côte ». Pourquoi selon toi ?
En effet, c’est une question qui fait débat.
Ça fait le « buzz » en ce moment comme disent les jeunes !
Chute des effectifs, moins de filles dans les classes, baisse du niveau d’exigence.
Oui, le monde éducatif est sous le choc.
Mais, est ce définitif ? Les maths ont-elles dit leur dernier mot. Et si ce n’était que transitoire ?
Ma chère Meriem, il s’agit bien d’une transformation, d’un bouleversement voire même d’une révolution du système éducatif français.
Les maths, cette matière si ardue, si ingrate quand on y peine, passage obligé pour un cursus brillant, juge de paix pour un passage en classe supérieure, ces maths qu’il fallait absolument réussir sous peine d’avoir « la honte » et bien cette réforme les a écartées.
Elle a créé des alternatives honorables, gratifiantes, des voies de réussite indépendantes. Ce que l’on pensait intouchable, impossible, inacceptable même, est arrivé sans que l’on s’y prépare, sans que l’on en mesure nous, adultes, la dimension.
Mais les jeunes eux, ont vite compris.
Ils ont vite saisi cette opportunité de lâcher celle par qui les malheurs, qui d’une sœur qui d’un frère avant eux, sont arrivés tout prés d’eux.
Ne paniquons pas, laissons du temps au temps !
Alors, je dirais : Ne paniquons pas, laissons du temps au temps, laissons les jeunes reprendre leur souffle, reprendre confiance, éloigner les démons.
Et je pense, j’espère, je forme les vœux pour que cette matière que j’adore, qui peut être merveilleuse et source de beaucoup d’épanouissement revienne positivement à leurs oreilles leur chanter la musique de la science et de ses découvertes qui ont permis tant de progrès remarquables.
Oui je comprends ton propos. Mais pour les élèves qui sont restés. Pour ceux qui ont choisi cette spécialité. Qu’en est-il ? Peut-on comparer le niveau d’aujourd’hui avec les anciennes sections S, ES voire C ou D qu’ont peut-être connu les parents qui nous lisent?
Je suis de la génération bac C, mes enfants ont fait S et ES et j’enseigne actuellement en spécialité maths de première et de terminale.
J’ai donc une vue d’ensemble sur la problématique que tu me demandes, à savoir : comparer le niveau en mathématiques d’hier à aujourd’hui.
Ma pensée étant de nature positive, je vais d’abord m’exprimer sur les valeurs qui me semblent constantes à travers le temps.
Parce que faire des mathématiques a toujours été : faire preuve de travail, de réflexion, de recherche, de méthode, d’apprentissage, de prise d’initiative …et faire face à une certaine dose de stress, à cet égard, je pense que l’on peut dire de nos élèves d’aujourd’hui, comme leurs ainés avant eux, qu’ils « font le boulot ».
Maintenant abordons des choses plus discutées comme par exemple l’épreuve du baccalauréat. Si elle était autrefois costaude avec un format rude (2 exercices et un problème long et difficile), sévèrement notée et basée sur un programme d’une densité incomparable, il est évident que les choses ont changé et que déjà avec la série S, nous étions dans une optique différente.
Aujourd’hui l’épreuve est composée de plusieurs exercices de taille moyenne avec de surcroit une dose de choix laissé au candidat dans la nouvelle épreuve de spécialité.
Un QCM, dont les réponses ne sont ni à justifier ni pénalisantes, vient en outre de faire son apparition permettant avec un peu d’astuce et d’audace (et ils en ont) de grappiller assez facilement quelques points, bien utiles pour la note finale.
À ceci s’ajoute un barème où la bienveillance, déjà en vigueur depuis la section S, est bien sûre réaffirmée avec les spécialités.
Enfin, le programme sur lequel toute évaluation est basée, a clairement perdu en densité au fil du temps réduisant encore la voilure avec la dernière réforme puisque ne portant plus que sur 6 mois d’apprentissages eu égard à la planification de l’épreuve en mars au profit de la préparation durant les mois restants de l’année du « grand Oral » !.
Donc oui ma chère Meriem, le niveau actuel de mathématiques ne peut plus rivaliser, en tout cas sur un même lieu c’est-à-dire le lycée, avec les temps anciens même si les valeurs intrinsèques à la matière perdurent.
Ainsi, seuls, les plus acharnés, les plus passionnés, ceux qui s’engageront vraiment sur le difficile chemin des mathématiques, rattraperons, au fil de l’enseignement supérieur, le niveau de leurs ainés voire même le dépasseront puisqu’il n’y a pas de limite à la connaissance mathématique.
Cela nous amène à une question fondamentale qui est de savoir qui, des élèves de sections C, S ou de spécialité maths ont fait, font ou feront des sciences, leur futur métier ?
Là, sur ce point je plébiscite aussi bien les anciennes sections C qui recueillaient des « mordus » (car chacun savait ou il mettait les pieds et ce, dès la seconde, ne l’oublions pas), que les élèves de spécialité d’aujourd’hui, qui, par leur parcours choisi, ont toutes les chances de devenir les futurs scientifiques de demain.
Le bac S, en effet, par son profil multi disciplinaire, regroupant les forces en sciences mais aussi dans les autres matières, accueillait en cela tout élève dit « à potentiel » mais parmi lesquels nombreux se réorientaient vers d’autres domaines de leur choix.
Donc Danielle, si je « reformule », il y a un « affaiblissement » avéré des mathématiques aujourd’hui au lycée. Je comprends mieux les articles de presse parus ces derniers temps sur le sujet et qui prônent le renforcement d’urgence de la matière. Le test « Tescia » dont j’ai vaguement entendu quelques rumeurs fait-il partie de ce dispositif ?
Oui Meriem. Quelle que soit l’idée même de ce test, elle fait partie d’un projet de renforcement.
Née de la volonté d’un groupement de professeurs de mathématiques basés en région parisienne, il s’agirait par le biais de 2 épreuves distinctes de renforcer 2 aspects de la matière dont je n’ai pas encore parlé.
D’une part, la technicité (l’équivalent de la grammaire en français) qui consiste à garder le contrôle de son travail sans s’en remettre « aveuglement » à un outil de calcul extérieur, la bien nommée et véritable poumon artificiel de nos chères têtes blondes : la « calculatrice », et d’autre part, à développer la prise d’initiative, par le biais de questions ouvertes, non guidées, laissant le champ libre à l’expression de compétences multiples auxquelles ne sont plus habitués nos élèves malgré quelques timides tentatives en section S.
En conclusion, que le test « Tescia » voit le jour ou pas, il soulève un questionnement sur l’organisation actuelle des enseignements de mathématiques au lycée et apporte sa pierre à l’édifice à ceux, de plus en plus nombreux, qui souhaitent un redressement rapide de cette discipline au lycée.
À noter : les inscriptions au test Tescia sont ouvertes jusqu’au 25 février 2023 à 23h59 (heure de Paris).
Ce test national a pour but de mieux repérer les talents en Mathématiques, mesurant à la fois les compétences acquises et la qualité de réaction à des situations nouvelles. Le test permettra de mieux orienter les candidats vers les filières du supérieur, et aussi aux formations du supérieur de mieux repérer les candidats prometteurs.